L'Autriche s'accroche au Vermeer d'Hitler

Le Monde



Conserver L'Art de la peinture. Vendredi 18 mars, la commission autrichienne chargée de la restitution des oeuvres d'art volées par les nazis a refusé que le célébrissime tableau de Jan Vermeer (1632-1675) soit restitué à Helga Conrad, petite-fille de l'ancien propriétaire, le comte Jaromir Czernin-Morzin. L'oeuvre avait été achetée à son grand-père en octobre 1940 pour le musée qu'Adolf Hitler voulait créer à Linz. La toile appartient aujourd'hui au Kunsthistoriches Museum de Vienne et est son seul Vermeer.
Hitler exigeait que Vermeer, l'un de ses artistes favoris, soit bien représenté dans son futur musée. Aussi fait-il saisir dès l'été 1940, à Paris, L'Astronome, propriété de longue date de la famille Rothschild. Parallèlement est "réglée" l'affaire de L'Art de la peinture. Le tableau, propriété des comtes Czernin-Morzin, a auparavant attiré l'industriel américain Andrew Mellon.
En 1933, il en offre 1 million de dollars, mais les autorités autrichiennes s'opposent à l'exportation. En août 1939, Jaromir Czernin-Morzin propose de céder l'oeuvre à Linz, pour 2 millions de Reichsmark (RM), soit 800 000 dollars, prix jugé excessif par le Führer. En décembre 1939, le comte se met d'accord avec un industriel du tabac de Hambourg, Philipp Reemtsa, ami de Göring, pour 1,8 million de RM, mais Hitler bloque la transaction. Le 29 décembre, Josef Bürckel, gauleiter - représentant d'Hitler - à Vienne est averti que le Führer "désire que la toile rejoigne la galerie" de Linz. La vente est conclue le 20 octobre 1940, pour 1,65 million de RM.
Vente forcée ? La commission, qui a conclu par la négative, avance que le tableau est à vendre dès 1933 et que Jaromir Czernin-Morzin en obtient la somme la plus élevée qu'Hitler ait payée pour une des 4 700 pièces destinées à son musée. La situation n'a donc rien de commun avec celle des collections juives pillées dès l'été 1940. D'ailleurs, le comte a demandé à adhérer au NSDAP - le parti nazi - le 9 avril 1940 et n'a jamais affiché quelque opposition au régime.
Ce à quoi l'avocat californien d'Helga Conrad, E. Randol Schoenberg, petit-fils du compositeur du même nom, objecte que l'épouse du comte, Alix-May von Frankenberg und Ludwigsdorf, fut persécutée par la presse nazie parce qu'elle était la petite-fille du banquier juif de Cologne Eduard von Oppenheim. Il produit de nombreux textes, plus ignobles les uns que les autres, parus dès 1932 dans le journal Der Stürmer, dont le directeur fut condamné à mort et exécuté à Nuremberg en 1946. Il fait état des menaces constantes de la Gestapo sur cette "juive" et son mari "enjuivé", et en conclut que la vente a eu lieu sous la contrainte.
Dix mille oeuvres restituées
Retrouvé dans une mine de sel par des soldats américains en 1945 et attribué au Musée de Vienne, L'Art de la peinture fut alors réclamé par Jaromir Czernin-Morzin : sans succès, la justice autrichienne concluant que la vente n'avait pas été forcée. La commission reste sur cette position. Créée en 1998, elle a procédé depuis lors à la restitution de près de dix mille oeuvres. Non sans controverses : c'est cette même institution qui a d'abord refusé de rendre à l'héritière de la famille Bloch-Bauer les sept Klimt volés en 1938 par les nazis autrichiens, avant d'être démentie en 2006 par un tribunal arbitral de Vienne qui l'a sommée de les restituer à Maria Altmann, nièce d'Adele Bloch-Bauer, mécène et modèle du peintre.
L'avocat de Mme Altmann, E. Randol Schoenberg, est désormais celui d'Helga Conrad. Après l'annonce de la décision, il a indiqué vouloir saisir une instance d'arbitrage, selon le principe qui lui a déjà permis de l'emporter dans l'affaire des Klimt.
Philippe Dagen

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