"Monet", l'une des dix expositions les plus vues en France
L'exposition "Claude Monet", au Grand Palais, se finit par un grand show continu, du vendredi 21 janvier à 9 heures au lundi 24 janvier à 21 heures. 84 heures non-stop. Trois nuits blanches. Et au bout, un chiffre fou : le peintre impressionniste aura attiré 920 000 visiteurs en cent vingt-cinq jours.
C'est l'occasion de se plonger dans les dix expositions qui ont attiré le plus de monde en France. Une seule dépasse Monet : "Toutankhamon et son temps", en 1967 au Petit Palais. Avec 1,2 million d'entrées, elle écrase toute concurrence. Mais elle est hors concours : elle a duré près de sept mois quand la moyenne est de trois. L'Egypte a prêté quarante-cinq pièces dont trente-huit provenant du trésor de Toutankhamon (dont son fameux masque mortuaire en or). Les bénéfices de l'exposition ont servi à la sauvegarde du temple d'Abou-Simbel, en Egypte, menacé de disparition par la mise en place du barrage d'Assouan. D'où cet engouement exceptionnel à Paris, porté par la fascination pour la civilisation égyptienne.
Après Toutankhamon, on trouve neuf expositions qui ont beaucoup de points communs. Il s'agit de peintres, célèbres évidemment. Ce sont des monographies, à l'exception de "Picasso et les maîtres". Elles concernent un seul siècle - du milieu du XIXe au milieu du XXe. Il s'agit d'artistes français ou ayant vécu en France. Tous s'inscrivent dans la "voie royale" : impressionnisme, postimpressionnisme, avant-gardes jusqu'à Kandinsky. C'est la vision traditionnelle de l'art moderne. Ces expositions enfin ont été présentées dans deux grands lieux prestigieux - six au Grand Palais, trois au Centre Pompidou.
Les expositions sur Renoir, Manet, Lautrec et Gauguin ont eu lieu à une époque où on acceptait de faire entrer dans les salles des foules monstres, provoquant une file d'attente devant chaque tableau. Depuis 1994, pour protéger les oeuvres, une jauge limite le nombre de visiteurs. En revanche, le temps passant, les horaires d'ouverture ne cessent de s'élargir - "Monet" est, à ce titre, un record.
L'art ancien, avant Courbet et Manet, est absent du palmarès. Et pourtant, il y a eu au Grand Palais des noms importants : 180 000 entrées pour Ingres (1967), 201 000 pour Raphaël (1983), 441 000 pour "De Rembrandt à Vermeer" (1986), 327 000 pour Poussin (1994).
L'art après 1945 est tout aussi absent. Il faut du temps pour qu'un artiste se fasse accepter. Même Picasso. La plus grande exposition organisée de son vivant, en 1966, au Grand et au Petit Palais, a attiré 403 000 visiteurs. Il réalisera près du double quarante ans plus tard, entouré de ses maîtres.
MAGISTRALE "MÉLANCOLIE"
De la même façon, les rétrospectives de deux maîtres contemporains, Jackson Pollock et Willem De Kooning ont marqué à Beaubourg, comme celle de Rothko au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, mais elles sont loin du top 10. Néanmoins si on regarde plus largement, l'art contemporain est bien plus accepté aujourd'hui qu'il y a trente ans. Ainsi l'abstrait Soulages a dépassé les 500 000 entrées à Beaubourg, en 2009-2010. Et Basquiat dépassera les 300 000 entrées à sa clôture, le 30 janvier, au Musée d'art moderne de la Ville de Paris.
Les musées connaissent également un fort engouement depuis leur rénovation, dans les années 1980, avec la politique de Jack Lang, et cela se ressent dans la fréquentation des expositions. Prenons Matisse : 347 000 visiteurs au Grand Palais en 1970 ; le double, au Centre Pompidou en 1993. Courbet : 255 000 en 1977, 480 000 en 2007 dans le même Grand Palais. Monet a gagné 400.000 entrées entre 1980 et 2009. Miro, qui attira 140 000 personnes en 1974, ferait beaucoup plus aujourd'hui. Et Calder n'aurait pas réalisé, il y a trente ans, les 474 000 entrées du Centre Pompidou en 2009.
Reste que nombre d'expositions thématiques, qui ont beaucoup marqué par leur audace, d'oser des rapprochements esthétiques, de faire avancer la recherche, sont loin de celles qui "font du chiffre". "L'âme au corps" (80 000 entrées en 1993) a ouvert une voie dans les relations entre l'art et la science. "Mélancolie" (330 000 en 2005) fut un moment magistral. Le "Panorama de l'art contemporain en France", au Grand Palais en 1972, fit un joli scandale, elle reste dans les mémoires, mais elle n'attira que 75 000 personnes. Or, ces expositions autour d'une idée ou une esthétique ont souvent du mal à être montées aujourd'hui parce qu'elles font entrer moins d'argent.
A ce titre, "Monet" rassemble : elle représente un record de popularité et elle fut louée par la critique internationale.
Michel Guerrin
Le Monde
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