L'offensive culturelle du Qatar
L'extérieur du Mathaf. (Mathaf: Arab Museum of Modern Art)
L'émirat, qui développe une ambitieuse politique de musées à Doha, fait de la France son partenaire privilégié.
Lundi soir, des dizaines d'invités se pressaient place de l'Étoile, à l'hôtel Landolfo Carcano, siège de l'ambassade du Qatar. Dans les salons en lambris dorés avec mosaïques au sol et fresques de nymphes alanguies, Son Excellence Mohamed al-Kuwari a décoré le dessinateur Jean Plantu et Amirouche Laïdi, président du club Averroes, du prix «Doha capitale culturelle arabe». Ce soir, l'ambassadeur décorera les poètes André Miquel, Bernard Noël et Adonis. De Jack Lang à Jean Daniel, en passant par Dominique Baudis, Edmonde Charles-Roux, Renaud Donnedieu de Vabres et Anne Roumanoff, un total de 66 personnalités françaises de la culture auront été décorées par le Qatar en 2010. Toutes sont reparties avec un chèque de 10.000 €.
Commande à Jean Nouvel pour un nouveau musée national à Doha, projet d'une chaîne satellitaire al-Jazira en français, rachat du catalogue Miramax (700 films dont Pulp Fiction et No Country for Old Men), ouverture d'une galerie d'art et d'une librairie au Royal Monceau… Jamais le Qatar n'a lancé un programme culturel aussi intense en dehors du monde arabe qu'en 2010. Doha veut «se distinguer des autres pays arabophones par une politique de la culture ouverte à la modernité», estimait Mohammed Arkoun, professeur émérite d'islamologie appliquée à la Sorbonne, récemment disparu.
Si la plupart des initiatives ont eu lieu en France à grand renfort de réceptions données à l'ambassade, au Pavillon Dauphine et chez Maxim's, c'est que «la France est le chef de file de la culture occidentale et, pour nous, Paris est la capitale de la culture européenne», explique le ministre de la Culture du Qatar, le docteur Hamad Bin Abdulaziz al-Kuwari. Ce week-end, l'émirat a lancé Oryx FM, une radio émettant en français 24 heures sur 24. Cet automne, la famille royale a aussi financé l'exposition Murakami.
Génération, 2010, de Khaled Takreti.(Khaled Takreti and the Ayyam Gallery/Mathaf)
«Il y a un an, un intermédiaire m'a fait savoir que la fille du cheikh, la princesse al-Mayassa bint Hamad bin Khalifa al-Thani, qui préside l'équivalent de la Réunion des musées nationaux (RMN), le Qatar Museum Authority, était intéressée par un mécénat, confie Jean-Jacques Aillagon, président du Domaine national de Versailles. La cheikha voulait financer un événement universel et avait été impressionnée par la visibilité de l'exposition Jeff Koons.» La collaboration s'est si bien passée que Jean-Jacques Aillagon se rendra à Doha en janvier 2011. «Mécénats, partenariats, accueil de jeunes Qatariens pour les former aux métiers d'art à Versailles… les Idées de collaborations ne manquent pas», explique-t-il. Nul doute que Dominique de Villepin, grand ami du couple royal et administrateur du Qatar Museum Authority, pourra apporter son aide.
Cette intense accélération de la diplomatie culturelle vient compléter les excellentes relations que le Qatar entretient avec la France, au niveau diplomatique, militaire, judiciaire, sportif et économique. Premier dirigeant arabe à être reçu par l'Élysée dès mai 2007, le cheikh est l'interlocuteur privilégié de la France au Moyen-Orient. Outre l'arrivée de HEC et d'une antenne de Saint-Cyr à Doha, les contrats en cours sont nombreux. Après l'ouverture du Royal Monceau cet automne, avec une luxueuse salle de cinéma de cent places, une galerie et une librairie d'art pointue, le Qatar, déjà propriétaire du Majestic et du Gray Albion à Cannes, inaugurera un quatrième palace, le Peninsula, à Paris en 2012.
D'ici là, on s'attend à trouver des capitaux qatariens pour financer la transformation de l'Hôtel de la Marine en hôtel, avec galeries d'art et salles de vente. Après le prix de l'Arc de Triomphe, le Qatar pourrait aussi racheter le club de foot de la capitale, le PSG, avant d'organiser la Coupe du monde de football en 2022. Cette politique s'explique aussi par la francophilie de l'élite qatarienne. Dans une région dominée par les Britanniques, c'est un point essentiel. «Plusieurs personnalités, dont Son Altesse le cheikh Jouan ben Hamad al-Thani, ont fait des études en France», souligne Monique Papon, présidente du groupe d'Amitié France-Qatar au Sénat. L'exemple vient de très haut. Le cheikh et la cheikha Mozah possèdent le splendide hôtel d'Évreux, place Vendôme, et une propriété au-dessus de Cannes.
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