A Jéricho, tempête autour de la superbe mosaïque du palais d'Hisham

Le soleil, encore chaud en cette matinée de décembre, n'accorde aucune ombre au site splendide et quasi désert du palais d'Hisham, à Jéricho. Un architecte de la Chicago University donne des conseils à trois ouvriers palestiniens qui grattent la terre à la truelle, mettant au jour, pour la première fois depuis le tremblement de terre qui s'est produit dans la région, vers 749 avant Jésus-Christ, des fragments de colonnes... Au loin, les monts bruns, lunaires, dominent la vallée du Jourdain.
Nul ne sait avec certitude si c'est Hisham ben Abed El-Malik (724-743), dixième calife de la dynastie des Omeyyades, qui a construit ce palais d'hiver inachevé, ou bien son héritier, Al-Walid II, entre 743 et 744. Mais ce n'est pas essentiel pour l'ambitieux projet que Louise Haxthausen et Giovanni Fontana, représentants de l'Unesco, décrivent avec enthousiasme. Au-delà des ruines de son complexe thermal, de sa mosquée, de sa fontaine monumentale et de son caravansérail, Khirbat Al-Mafjar (son nom arabe) recèle un joyau recouvert d'une bâche de géotextile et de 25 centimètres de sable : une mosaïque de 850 mètres carrés.
Ainsi protégée, elle est la plus vaste, la mieux conservée du Proche-Orient, et la plus belle du monde, assurent ses amoureux. Miraculeusement épargnée, c'est un ensemble de figures géométriques composé de tesselles où dominent le bleu, l'ocre et le rouge, ponctué de noir et de blanc... que les visiteurs n'admireront jamais si le projet de l'architecte suisse Peter Zumthor ne se réalise pas.
Louise Haxthausen et Giovanni Fontana sont confiants. "Ce sera un projet controversé et cher, mais l'Unesco se bat contre l'idée que la culture est un luxe. C'est aussi un projet-symbole, celui de la dimension culturelle du futur Etat palestinien", reconnaît Louise Haxthausen. Il faut "créer des projets pilotes, insiste Giovanni Fontana. Parce que la planification, les grandes stratégies, ici, cela ne marche pas : il faut montrer !"
De ce point de vue, le projet destiné à abriter le pavement de mosaïque du palais d'Hisham ne court pas le risque de passer inaperçu : si l'architecte bâlois persiste dans son ébauche, dont une maquette au 1/20 est visible sur le site, la Maison des mosaïques - puisque tel est le nom que lui a donné le lauréat du prix Pritzker 2009 (le Nobel de l'architecture) - sera constituée d'une gigantesque structure trapézoïdale (45 mètres de large) de lattes de bois superposées, laissant passer air et lumière, culminant à 23 mètres au-dessus du sol et flanquée de passerelles suspendues pour les visiteurs. Une "maison" et non un "abri", un "écrin" et non une "cage", insiste Giovanni Fontana.
"Il ne s'agit pas de reconstruire, mais de recréer l'atmosphère", précise Louise Haxthausen. Celle d'un palais avec ses jardins et ses pièces d'eau, au milieu du désert. Ainsi transformé, le site s'inscrira-t-il encore harmonieusement dans l'environnement aride de la vallée du Jourdain ? Peter Zumthor, architecte-auteur réputé, attentif aux paysages naturels et aux traditions locales, père de réalisations dépouillées mais de petites dimensions, est-il sur le point, avec ce qu'il nomme une "reconstruction émotionnelle", de changer d'échelle ?
Le budget envisagé oscille entre 12 et 15 millions de dollars (9 à 11,4 millions d'euros). Une somme disproportionnée pour le ministre adjoint de l'Autorité palestinienne chargé des antiquités et de l'héritage culturel, Hamdan Taha : "Nous soutenons ce projet et admirons le travail de Peter Zumthor, dit-il. Mais nous voulons une solution qui respecte le paysage culturel et historique, et qui soit réalisable du point de vue financier."
Alors que tant de sites palestiniens ne disposent que d'un budget squelettique, la protection de la mosaïque d'Hisham ne devrait pas dépasser 3 millions de dollars, estime-t-il. Certes, l'Autorité palestinienne ne versera rien, le budget étant alimenté par des donations. La Banque islamique de développement, l'Union européenne, les Etats-Unis, des pays arabes, ont été sollicités. "Tout le monde est très intéressé", assure Louise Haxthausen. Mais à ce stade, aucun financement n'a été confirmé.
Ce n'est pas la seule incertitude. Jéricho vient de fêter ses 10 000 ans. Avec force discours, mais peu de raisons de pavoiser : la plupart des grandes infrastructures qui devaient être inaugurées à cette occasion sont restées au stade de projet. La vallée du Jourdain est une région stratégique qu'Israël n'a pas l'intention de confier aux Palestiniens. Cette dimension politique est une menace pour le renouveau touristique du palais d'Hisham.
Si tout va bien, les visiteurs pourront admirer dans deux ou trois ans sa somptueuse mosaïque, mais le sable qui la recouvre n'est pas encore déblayé.
Laurent Zecchini (Jéricho, Cisjordanie, envoyé spécial) LE MONDE

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